Jupes : Pourquoi les femmes ont elles arrêté de les porter ? Les raisons expliquées

En France, la jupe n’est plus un passage obligé dans les dressings féminins, malgré des décennies où elle incarnait la norme vestimentaire. Les ventes déclinent régulièrement depuis le début des années 2000, au profit des pantalons et autres alternatives plus fonctionnelles.Certaines entreprises tolèrent désormais le jean, autrefois jugé inadmissible, tandis que les codes vestimentaires scolaires se sont assouplis. Cette évolution n’efface pas pour autant les contradictions persistantes autour de ce vêtement, entre injonctions sociales et désir d’autonomie.

Jupes et collants : un symbole vestimentaire en pleine mutation

La jupe accompagne l’histoire humaine depuis des siècles. Elle n’a pas toujours été attachée à un genre : kilt écossais chez les hommes, tunique ou sarong selon les cultures. Pourtant, en France, elle a été élevée au rang de signe fort de féminité, un vêtement qui hiérarchise, distingue, impose ses codes. Longueur au ras du genou ou jupe à mi-mollet : chaque détail a servi de baromètre, entre émancipation et contrôle des corps par la société.

Avec la mini-jupe, Mary Quant bouscule les codes londoniens des années 1960. Courrèges en fait l’emblème d’une modernité osée ; Bardot, Deneuve et tant d’autres suivent. Mais la vague de nouveauté ne passe pas sans heurt : polémiques, débats, jugements sévères. De simple vêtement, la jupe devient pour un temps le drapeau d’une jeunesse en plein bouleversement.

Sur les podiums de la haute couture, la jupe ne cesse d’être revisitée. Christian Dior dévoile son New Look en 1947 : volume, structure, exubérance. Un symbole de raffinement, parfois de soumission aussi. Selon la période, ce vêtement incarne discrétion, provocation ou affirmation sociale.

Le collant s’impose d’abord comme allié de la mini-jupe, puis comme accessoire incontournable. Il sécurise, réchauffe, rassure. Mais il divise aussi, soulevant des questions sur l’apparence, la liberté ou l’exposition du corps. Pendant de longues années, porter jupe et collants allait de soi ; désormais, ce choix n’a plus rien d’automatique, il dit quelque chose de l’époque et de la volonté individuelle.

Pourquoi la jupe a-t-elle perdu sa place dans la garde-robe féminine ?

Longtemps, la jupe incarne une forme de féminité attendue. Mais aujourd’hui, elle s’efface, sans tapage, des rayons comme des habitudes. Cette évolution ne s’explique ni par un simple effet de balancier, ni par les diktats de la mode : elle plonge ses racines dans les bouleversements sociaux des dernières décennies. Jusqu’en 2013, la loi française persistait à interdire officiellement le port du pantalon aux femmes, vestige tenace d’une période où chaque genre se devait de respecter ses propres codes vestimentaires. Que le pantalon, réservé aux hommes, soit devenu synonyme d’autonomie et d’accès à l’espace commun n’est pas une coïncidence.

Quand Yves Saint Laurent impose le tailleur-pantalon en 1966, la polémique éclate. Nan Kempner, icône new-yorkaise, est recalée d’un restaurant chic pour avoir tenté le pantalon. Ce genre de choix, d’abord subversif, gagne la rue puis, petit à petit, la normalité. La garde-robe féminine se métamorphose : la jupe, devenue contrainte par la mode ou l’opinion, laisse place à des vêtements plus pratiques, libérés des jugements, plus adaptés à la vie des femmes. À l’école, les élèves la délaissent pour éviter remarques ou règlements, préférant passer inaperçues que risquer l’exclusion ou la stigmatisation.

Voici les principaux moteurs de ce tournant :

  • Normes vestimentaires qui évoluent mais restent pesantes
  • Recherche d’égalité homme-femme au quotidien, dans l’espace public
  • Quête de confort adaptée aux impératifs et rythmes nouveaux

Autrefois surveillée jusqu’à l’absurde, la jupe symbolisait une vulnérabilité, un risque. Le pantalon, au contraire, incarne depuis peu l’adaptation concrète à un monde accéléré et l’envie de s’affranchir de codes trop rigides.

Pressions sociales, confort, image de soi : ce qui motive le pantalon

Tout commence souvent sur les bancs de l’école. Les règlements s’affichent : la fameuse “règle fingertip” exige une longueur mesurée, scrutée, parfois humiliamment. L’ironie est amère : là où le short reste toléré chez les garçons, il est systématiquement interdit aux filles dans de nombreux collèges ou lycées. Les réseaux sociaux s’en mêlent, dénonçant cette inégalité et appelant à des changements profonds.

La société maintient ensuite avec force des stéréotypes sur les genres. Une jupe courte attire remarques et jugements ; dans la rue, sur le trajet de l’université, la peur du commentaire ou du geste de trop verrouille les esprits. Les injonctions au silence et à la neutralité persistent, freinant la spontanéité. Récemment, l’équipe féminine norvégienne de handball de plage a été épinglée pour son refus du bikini au profit du short : illustration vive que les pressions sur le corps féminin ne cessent pas aux portes du sport.

Le confort finit par emporter la décision. Les déplacements quotidiens exigent des vêtements adaptés : courir pour ne pas rater son métro, traverser une cour balayée par le vent, gravir des escaliers trop raides, le pantalon répond à tout cela sans embarras. Il permet de se mouvoir, de travailler, d’étudier, de sortir sans contrainte. Porter ce que l’on souhaite façonne aussi l’image de soi : exprimer sa personnalité, cultiver son autonomie plutôt que de se fondre dans un uniforme imposé ou désuet. Progressivement, la jupe perd son caractère imposé ; elle revient au rang d’option, plus qu’à celui d’obligation.

Femme regardant une jupe dans une boutique minimaliste

Nouvelle liberté ou simple changement de tendance ?

La question du vêtement n’a jamais été purement esthétique. Après des décennies à faire de la jupe le symbole absolu de la féminité, de plus en plus de femmes posent aujourd’hui un choix, un vrai. Choisir selon l’humeur, la météo, l’identité propre. Ce basculement ne se limite pas à une réaction contre la tradition : il s’inscrit dans un mouvement long, commencé avec la mini-jupe audacieuse de Mary Quant, ravivé par la démocratisation du tailleur-pantalon.

Ce n’est pas Paris ni Londres qui auront le mot de la fin. Même si ces villes ont vu naître des modes subversives, la discussion sur l’apparence traverse désormais tous les milieux. Nouvelles générations, nouveaux rythmes : la jupe n’est plus l’étendard de l’uniformité, elle devient une option, libre, désacralisée, sortie du carcan social ou moral.

Le débat ne va pas s’éteindre au prochain changement de collection. Parce que les injonctions, les stéréotypes et les débats sur le genre se réinventent sans relâche. Renoncer à la jupe, c’est parfois franchir une frontière silencieuse. L’histoire vestimentaire continue de s’écrire, et nul ne sait quelle sera la prochaine silhouette à bouleverser le décor. Une chose est sûre : la liberté de se vêtir reste à inventer, chaque jour.

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