Dire que le français excelle dans la flexibilité serait mensonger : quand il s’agit de nommer une personne non-binaire, la langue trébuche, hésite, bricole. Les règles, gravées dans les manuels, résistent à la nuance. Pourtant, dans les conversations, sur les réseaux, à l’école ou en entreprise, le besoin d’autres mots se fait entendre, plus fort, plus pressant. L’accord grammatical devient champ de bataille, le choix du pronom, enjeu de respect. Et chaque tentative d’inventer ou d’adapter se retrouve scrutée, approuvée ici, rejetée là. Les repères évoluent, mais rien n’est jamais simple.
Comprendre la non-binarité : au-delà du masculin et du féminin
La non-binarité vient bousculer l’ordre établi : la société a longtemps divisé le genre entre deux cases exclusives, homme ou femme. Pourtant, cette vision ne suffit pas à dire la réalité de toutes les personnes. Pour celles et ceux qui ne se reconnaissent ni d’un côté ni de l’autre, ou pour qui l’identité se dessine ailleurs, le vocabulaire manque souvent de précision. Les textes officiels peinent à évoluer, mais sur le terrain, les revendications se multiplient : il s’agit d’être reconnu·e pour ce que l’on est, sans compromis.
Certains s’identifient comme personne non binaire, d’autres préfèrent le terme personne trans, d’autres encore refusent tout label. La diversité des parcours et des mots rappelle que l’ajustement ne concerne pas seulement la grammaire, mais aussi les institutions, les papiers, le regard des autres. Choisir de parler de personne au lieu d’homme ou femme relève d’une volonté très claire : sortir d’un système binaire qui ne reflète pas toutes les identités.
Pour mieux cerner les contours de la non-binarité, voici quelques points clés :
- Le genre déborde largement la frontière du masculin et du féminin.
- Une personne non binaire affirme une identité à part entière, détachée des modèles classiques.
- L’expression de genre va bien au-delà de l’apparence ou du prénom affiché à l’état civil.
Le débat sur le bon terme à employer quand on s’adresse à une personne non binaire met en lumière les limites du français, parfois à la traîne. Les mots changent, les usages aussi. Mais ce mouvement, souvent contradictoire, avance.
Pourquoi la question du langage est essentielle pour l’inclusivité
La langue française ne fait pas qu’organiser les phrases : elle dessine les contours du réel. Avec le genre grammatical omniprésent, du pronom à l’adjectif, chaque mot prononcé ou écrit devient un choix, parfois une assignation. Dès qu’il s’agit de nommer une personne non binaire, ces habitudes sont mises à l’épreuve. Les discussions sur l’écriture inclusive ou l’invention de pronoms neutres ne sont pas un simple effet de génération : elles traduisent une demande d’écoute, de reconnaissance, d’appartenance.
Certains dictionnaires, comme le Dictionnaire Robert qui a ajouté « iel » à sa version en ligne, prennent acte de ces mutations. Pourtant, dans la vie courante, l’usage reste fluctuant, parfois timide, rarement unanime. Les débats s’enflamment : défenseurs de la tradition contre partisans du changement. Mais le choix d’un pronom ou l’adoption d’accords moins genrés ne relèvent plus seulement de la grammaire : ils incarnent la capacité d’accueillir chacun, sans forcer son identité dans des cases prédéfinies.
Voici ce que cela implique concrètement :
- L’emploi de pronoms neutres permet de ne pas imposer un genre qui ne convient pas.
- L’écriture inclusive élargit l’espace du langage pour y faire entrer toutes les réalités de genre.
- Le débat sur le genre neutre ne concerne pas qu’une minorité : il traverse les institutions, les familles, les médias.
Le langage n’est pas qu’un outil technique : il incarne la manière dont une société considère ses membres. Adapter sa façon de parler, c’est offrir à chacun la possibilité de se sentir reconnu. C’est faire tomber les automatismes qui, sans y penser, excluent ou réduisent au silence.
Quels pronoms et accords utiliser pour parler d’une personne non-binaire ?
Parler d’une personne non binaire suppose d’agir avec précision et attention. Le pronom choisi est la première marque de respect. Beaucoup optent pour iel, contraction de « il » et « elle », désormais référencé dans le Dictionnaire Robert. D’autres préfèrent des néopronoms comme « ael », ou souhaitent simplement qu’on utilise leur prénom, sans pronom genré. Les usages varient, rien de figé. Le plus sûr : demander, écouter, s’adapter.
Pour s’y retrouver, voici les grandes options qui existent aujourd’hui :
- Pronom iel : il gagne en visibilité et permet d’éviter la case masculine ou féminine.
- Néopronoms : « ael », « ol », « ul », des alternatives apparues dans certains cercles pour traduire la neutralité.
- Accords dégenrés : selon la préférence, on peut accorder au masculin, au féminin, ou choisir des formes mixtes ou neutres (« heureux·se », « cher·e », « content·e »).
L’écriture inclusive propose différentes solutions : points médians, double flexion, mots épicènes. Mais l’adoption reste fragmentée. Dans les médias, à l’école, au travail, chacun y va de son expérimentation. Construire une relation avec une personne non-binaire suppose de sortir des automatismes, d’accepter l’inconfort du changement, et parfois de se tromper. Ce n’est pas qu’une affaire de syntaxe : c’est le signe d’une reconnaissance, d’une adaptation réelle à l’identité de genre unique de chacun.
Favoriser le respect au quotidien : conseils pour une communication inclusive
Adresser la parole à une personne non-binaire exige une attention constante. La communication inclusive ne se limite pas à choisir le bon mot : elle s’appuie sur le respect de l’identité de genre telle qu’elle est exprimée. Nommer correctement, utiliser le bon pronom, ce n’est pas un détail, c’est la base d’un climat de confiance.
Quelques gestes concrets
- Lorsque vous vous présentez, indiquez aussi vos pronoms : cela facilite la conversation et montre l’exemple.
- Prenez le temps de demander à la personne concernée comment elle souhaite être nommée, sans tirer de conclusions hâtives.
- Respectez l’utilisation des néopronoms ou du prénom, selon ce qui a été exprimé.
- Si une erreur se glisse, corrigez d’un mot, sans vous éterniser : montrer que l’on sait écouter compte plus que vouloir être irréprochable.
Créer une relation avec une personne non-binaire ne passe pas seulement par la langue. Cela invite à repenser ses réflexes, à remettre en question les habitudes héritées du binaire. Les outils sont nombreux : point médian, mots épicènes, reformulations… Ce qui importe, au fond, c’est cette vigilance de chaque instant, ce souci d’inclure et de respecter, même quand la langue semble manquer de solutions. Mieux vaut une attention sincère, imparfaite, qu’une mécanique sans âme. Les mots ne sont jamais neutres, ils dessinent la place qu’on accorde à l’autre.


