Mode : quel sexe y accorde le plus d’importance ?

En 2023, 68 % des femmes françaises déclarent consacrer plus de temps à choisir leurs vêtements que les hommes, selon une étude IFOP. Pourtant, ces dernières années, la croissance des marques unisexes bouleverse les repères et brouille les attentes traditionnelles en matière d’apparence.

Les critères d’attirance évoluent. L’impact de la mode sur la séduction ne suit plus toujours les lignes de démarcation classiques entre les sexes. Une part croissante de la génération Z affirme ne plus lier l’amour-propre à un style genré.

La mode, miroir des attentes amoureuses et des codes sociaux

La mode ne fait pas qu’habiller : elle met en scène les corps et les vies, révélant au passage des tensions entre pratiques vestimentaires, genre et milieux sociaux. Depuis le moyen âge, l’habit sert de marqueur. Pierre Bourdieu, dans La distinction, décode comment le vêtement affiche une position sociale et trace la barrière entre classes populaires et classes moyennes supérieures. Michel Pastoureau, lui, rappelle que le bleu, couleur jadis réservée à une élite, s’est peu à peu banalisé jusqu’à devenir incontournable.

Les identités et les codes sociaux s’entrelacent dans le tissu. Le vêtement, pour Odile Blanc, participe à l’invention du corps : il exprime l’envie d’appartenir à un groupe… ou celle de s’en démarquer. Christine Bard, avec ses recherches sur l’histoire politique du pantalon, éclaire le long combat des femmes pour s’approprier une pièce d’abord conçue pour les hommes. Un basculement qui a ouvert la voie à une relecture des frontières du genre.

Dans la capitale, la rue donne à voir une chorégraphie discrète où chaque détail compte. Une marque choisie, un accessoire subtil, le rejet d’un logo trop voyant : autant de signes qui, comme l’a remarqué Roland Barthes, forment un langage silencieux. Les jeunes issus des classes moyennes composent avec ces codes, cherchant à exister entre conformité et différence. S’habiller reste un acte de reconnaissance, un jeu d’apparence où chaque pièce devient un levier de séduction ou d’affirmation sociale.

Filles, garçons : qui se sent vraiment concerné par la mode aujourd’hui ?

La différence entre les sexes face à la mode traverse la sociologie et l’actualité. Longtemps, la société a imposé aux femmes une attention particulière à leur image, perçue comme une exigence de respectabilité et un outil de séduction. Mais les travaux de Beverley Skeggs et Nicolas Herpin montrent que le rapport des jeunes hommes aux vêtements se transforme : leur intérêt grandit, quitte à interroger les repères liés à l’identité de genre.

La pression du regard extérieur n’a pas disparu. Les attentes qui pèsent sur les hommes changent aussi : s’habiller n’est plus seulement question de confort ou de discrétion, mais devient une manière d’affirmer sa personnalité. Les réseaux sociaux accélèrent ce mouvement, donnant à chacun, fille ou garçon, la possibilité d’exhiber son style, de défendre une esthétique. Mais cette exposition n’est pas sans risques : la biphobie ou l’exclusion guettent parfois celles et ceux qui s’écartent de la norme. Le choix d’un vêtement, sa coupe, sa couleur, tout prend soudain un sens différent.

Voici comment cette évolution se traduit concrètement :

  • Chez les jeunes femmes, la mode conserve la force d’un langage personnel, d’une affirmation de soi, parfois d’une revendication d’indépendance.
  • Chez les jeunes hommes, l’habillement devient un terrain où s’expérimentent de nouveaux codes, entre recherche d’identité et résistance aux clichés.

Désormais, la mode masculine n’hésite plus à interroger la norme. Filles ou garçons avancent dans un espace mouvant, où le vêtement ne cache plus simplement le corps mais redéfinit la place de chacun dans la société.

La vague unisexe : comment la mode brouille les pistes de la séduction

Depuis quelques années, la mode unisexe s’impose, aussi bien sur les podiums que dans la rue, chamboulant les codes du désir et de la représentation de soi. Aux fashion weeks de Paris ou Londres, robes et costumes se croisent, mini-jupes et pantalons fusionnent, sans distinction. Le boyfriend jean incarne cette tendance côté féminin, tandis que maquillage et bijoux font désormais partie de la panoplie masculine, adoptés sans détour par une génération qui se moque des catégories.

Les codes vestimentaires se métamorphosent. La robe n’est plus l’apanage d’un seul genre, le travestissement devient une expérimentation, et non plus un acte de provocation. Des figures comme Harry Styles ou Billy Porter jouent de cette ambiguïté, invitant chacun à se questionner sur ses propres envies et repères. Les notions de séduction et de charme se dessinent autrement, affranchies du clivage masculin-féminin.

Ce glissement s’observe aussi dans les habitudes de tous les jours. On mixe seconde main et fast fashion, on partage les accessoires, et certains garçons n’hésitent plus à chausser des talons aiguilles. Loin d’être des marges, la non-binarité et la transidentité infusent la création et le marché du vêtement. La mode devient un laboratoire, un lieu où se négocient sans cesse identité et désir.

Jeune homme regardant une veste en boutique urbaine

Et si on repensait nos critères de beauté et d’attirance à travers les nouvelles tendances ?

Le travail de l’apparence ne consiste plus à copier des mannequins ou à suivre docilement les pages d’un magazine. Les stéréotypes s’effritent, laissant émerger des figures hybrides, portées par des influenceurs sur TikTok ou Instagram, qui bouleversent les contours du désirable. Les corps s’exposent dans toute leur diversité, loin des règles figées d’antan. Désormais, la respectabilité se forge autant à travers une pièce chinée en seconde main qu’avec un article signé fast fashion.

Les nouvelles icônes, issues de la pop culture ou du militantisme féministe, redistribuent les cartes. Les tendances actuelles ne relèvent plus du simple effet de mode : elles incarnent un véritable changement social et médiatique. Les jeunes générations puisent, détournent, recomposent les codes, brouillant volontairement les frontières entre le féminin et le masculin.

Trois tendances se détachent particulièrement :

  • Expression de soi décomplexée
  • Visibilité accrue des corps atypiques
  • Remise en cause de la norme vestimentaire

La mode ne se limite plus à couvrir ou embellir : elle questionne, elle bouscule, elle propose de nouvelles façons de plaire où l’authenticité prend le pas sur la conformité. Le genre s’efface au profit de la singularité, du caractère, et parfois même d’une touche de provocation. Qui aurait parié, il y a dix ans, qu’un simple t-shirt ou une robe puisse autant redistribuer les cartes du désir et de la reconnaissance ?

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